Monsieur le président de la quarante sixième assemblée générale de l'OEA
Distingués représentants des états
Monsieur le secrétaire général
Sœurs et frères représentants de la société civile et de l'entreprise privée
Sœurs et frères des peuples autochtones des Amériques
Peuple dominicain
Je remercie Baba, Nana et la Pachamama de me permettre de m'adresser à vous au nom des gouvernements et institutions traditionnelles des peuples, nations et nationalités autochtones d'Abya Yala (Amériques).
L'adoption par cette assemblée de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones est un événement historique et représente le règlement d'une dette morale que l'OEA a contracté avec les peuples autochtones. Cette adoption signifie le dénouement d'un processus de presque 30 ans de délibérations sur les droits de nos peuples, qui comptent plus de 50 millions de personnes dans les Amériques.
Ainsi, la Déclaration est la réaffirmation historique du fait que les Amériques ne peuvent ignorer la présence essentielle et la participation pleine et entière des peuples autochtones dans le développement de l'hémisphère.
Nous reconnaissons l'engagement de l'OEA envers les peuples autochtones pour une construction consensuelle et la participation de leurs représentants dans le processus de délibération. Malheureusement cette participation s'est vue limitée au moment de l'étape finale du processus à cause de l'absence de volonté politique des états membres au regard du financement.
Le processus de dialogue en vue de l'adoption de la Déclaration n'a pas été facile car certains états ont insisté pour soumettre les droits des peuples autochtones au cadre constitutionnel et aux lois domestiques, allant ainsi à l'encontre du caractère progressif des droits humains. Dans ce sens, les représentants autochtones voulons clarifier le fait que nos droits ne sont pas négociables, ils doivent être reconnus, consacrés et garantis par le système interaméricain. Rien de ce qui est adopté dans la présente déclaration ne peut être contraire ou diminuer les droits reconnus dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Nous voulons souligner la confiance, la participation et l'appui de plus de 500 représentants des peuples et organisations autochtones des Amériques dont les positions et les préoccupations ont servi de socle et d'horizon au processus de dialogue qui a mené à la Déclaration. De la même manière nous reconnaissons le rôle pertinent de toutes les délégations gouvernementales et en particulier de celles qui ont présidé le Groupe de travail et celles qui ont rendu possible la réalisation des réunions, autant au siège de l'OEA que dans leurs pays respectifs.
D'un autre côté, nous remercions les organisations non gouvernementales, celles de la société civile et les organismes internationaux qui ont appuyé la participation des représentants autochtones aux réunions de négociation et le précieux travail de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Secrétariat de la Commission des affaires juridiques et politique de l'OEA.
Au moment de l'adoption de cette Déclaration, il faut se souvenir que les peuples autochtones sommes victimes d'assassinats et nos leaders sont criminalisés à cause de leur défense de nos droits à l'autodétermination, de nos terres, territoires, ressources naturelles et de la survivance de nos cultures, comme dans le cas de Berta Cáceres. L'imposition de projets par des industries extractives, agroindustrielles et hydroélectriques, en plus de n'être pas durables, provoquent le déplacement forcé de centaines de communautés autochtones, la perte de leur environnement, celle de leur souveraineté alimentaire en plus d'être responsables du changement climatique qui affecte toute la région.
Nous réaffirmons que les peuples autochtones sommes les défenseurs de la terre-mère et que nous faisons la promotion d'un développement durable depuis des temps immémoriaux. C'est d'ailleurs pour laquelle les ressources naturelles du continent se trouvent dans les territoires autochtones. Il est donc intolérable que l'on continue à nous discriminer et nous marginaliser dans les discussions nationales et régionales qui traitent de ces enjeux.
De là l'importance que la Déclaration réaffirme notre droit inaliénable à l'autodétermination, à nos terres et territoires, à la consultation et au consentement préalable, libre et informé, à l'intégrité de nos cultures, entre autres, et en fasse un objectif commun pour les Amériques.
La Déclaration doit servir de socle à la construction d'une nouvelle relation entre l'État et les peuples autochtones, qui soit basée sur la reconnaissance et le respect de leurs droits fondamentaux. C'est une condition nécessaire à l'atteinte de sociétés justes et démocratiques.
Dans ce sens la Déclaration appelle à l'action, à la mise en œuvre et à l'urgence d'établir des politiques publiques inclusives, pertinentes et différenciées, qui renforceront nos institutions et notre capacité à agir sur nos terres, territoires et ressources naturelles afin de promouvoir un développement durable.
Dans ce sens nous appelons les états, la société civile et l'entreprise privée à travailler et à collaborer à la mise en œuvre de cette déclaration, ce qui constitue le défi qui se pose désormais à l'OEA.
Finalement nous appelons à la création d'un mécanisme efficace qui permette la supervision par l'OEA du degré de mise en œuvre de la Déclaration par les états avec la participation pleine et entière des peuples autochtones. Dans ce contexte, nous réclamons une participation adéquate qui tienne compte de nos spécificités et particularités, comme gouvernements et institutions traditionnelles autochtones au sein de l'OEA.
Avec l'adoption de cette Déclaration, les états des Amériques règlent une dette envers les peuples autochtones. C'est pourquoi nous avons espoir que, alors qu'il y a 500 ans commençait une histoire de dépossession et de colonisation de ces terres, se lèvera désormais un nouveau jour pour tous les peuples des Amériques, un jour où règneront enfin la paix, la justice et la dignité.
Santo Domingo, République dominicaine, 15 juin 2016
Jamais plus les Amériques sans les peuples autochtones!